(First written as an assignement Circa 2018)
Comment montrer la tragédie? Filmer les lèvres tremblantes, le nez rougi, les yeux embués de larmes, le tout porté par une bande originale en mineur? Ecrire des fulgurances de grands sentiments, des envolées lyriques dont l’éloquence donne au tragique une beauté indéniable?
Hang Sang Soo, dans Grass, choisit une voie différente. Grass parle bien de la tragédie, à travers plusieurs discussions toutes simples, dans laquel on retrouve adultère, voyeurisme, suicide, chantage au suicide et impossibilité d’être heureux pour les autres. Tout se joue cependant dans le calme, et dans un silence auquel il ne manque que le mutisme des dfférents personnages que nous observons.
Lorsque l’on voit une jeune femme être accusée d’être la raison du suicide de feu son compagnon, l’intenable se situe dans la longeur de la conversation, dans ces mêmes mots et idées toujours ressassés, dans cette caméra qui ne bouge pas, dans cette jeune femme floue et dans l’homme qui lui parle dos à nous. On entends cette conversation, non pas comme un spectateur, c’est à dire un voyeur à qui l’on montre les choses de manière à ce qu’elles soient comfortables pour lui, mais comme un intrus. C’est un drame que l’on regarde être noyé dans l’alcool alors que la mort, dans ce qu’elle a de plus cru et morbide, envahit l’air et oppresse. On entends la respiration de la jeune femme se faire difficile, nos poumons se contractent avec les siens, et l’on suffoque sans mouvement ni musique pour nous rassurer et nous dire “Vous n’êtes que spectateur, vous êtes à l’abri.”
Dans cette fiction où tout le monde est acteur ou auteur, le véritable drame est celui de la facticité. Les relations humaines ne sont en rien authentiques, nous dit le film. Les acteurs font croire, trompent, manipulent, et ne savent communiquer autrement. “People are emotions, emotions are gullible and forceful, precious, cheap and alluring. And I long for them now.” Nous déclare la protagoniste principale, si tant qu’on puisse la considérer comme étant actrice de quoi que ce soit. Non, elle, elle écrit. Et elle est la seule à ne pas être fausse. En fait, elle n’est pas grand chose, seulement le réceptacle des histoires qu’elle entends dans les cafés et restaurants. Elle est spectatrice du semblant, qu’elle voit même dans la relation de son propre frère.
Alors elle finit par s’insérer à une table, dans ces relations creuses, et nous laisse sur l’image d’un couple prenant des photos dans des costumes traditionnels loués, puis des décors, vides, fixes, qui eux aussi sonnent faux. Elle finit par fumer ; Non pas qu’elle ai besoin du goût du tabac. La cigarette est un accessoire, signe ultime de la facticité, à travers laquelle tout acteur dans ce film se donne à voir comme étant sombre, perdu dans le noir. L’accessoire, c’est ce qui leur permets de jouer leur rôle, et leur rôle, c’est leur existence, il ne sont rien en dehors de ce qu’ils jouent.